samedi 28 février 2015

....." Je me sens quelquefois, comme on dit en anglais, «out of date», décalée, hors de ce monde. Définitivement. Je ne suis sans doute plus au goût du jour mais... «être moderne n’est-ce pas bricoler dans l’incurable » ? Devant ce pathétique tsunami, gouffre de vide, j’ai un jour baissé les bras. Moi seule, que pouvais-je faire pour empêcher cette chute en avant, cette décadence? Alors le mieux était de boucler ma valise. Et j’ai fait une autre sorte de vide autour de moi pour éviter manipulation et désinformation : j’ai zappé la télé, la radio, les journaux. Puis je me suis posée sur une colline entourée de forêts. Je n’entends que les chants des oiseaux, les vaches meugler et les cerfs bramer d’amour. Fini les images de guerres, le voile noir qui endeuille les océans mazoutées, les misères, corruption, mensonges et inhumanité ... Restent ces rêves qu’un jour prochain l’homme prendra enfin conscience, s’il n’est pas trop tard, que ce joyau qui est notre Terre et ses enfants méritent le respect.Au sommet de cette colline il y a ma maison. J’y suis née. Mes trisaïeuls, ma grand-mère, mon grand-père, ma mère y ont vu le jour, des paysans qui vivaient au rythme des saisons, du soleil et des lunes, qui respectaient la nature et ce qu’elle voulait bien leur offrir. Ils ont retourné avec peine la terre, ont plié sous les fardeaux en essuyant de leurs mains calleuses la sueur qui leur brûlait les yeux. Alors que j’étais petite fille, un jour, mon grand-père devant un champ fraîchement labouré, m’a demandé de m’agenouiller. « Prends la terre dans ta main et porte-la à ta bouche, elle est notre chair, petite, elle est la vie, ne l’oublie jamais ! »Elle était rouge comme le sang, grasse et luisante ; je n’ai jamais oublié son goût, comme je n’oublierai pas ce grand-père qui seul avait le droit de toucher la couronne de pain, y faire un signe de croix de la pointe de son couteau pour nous donner ensuite à chacun une tranche telle une offrande, un don de Dieu."..... 
Extrait:  CES MESSIEURS D'EN HAUT Christine Deviers Joncour


mercredi 25 février 2015

"Petites pensées du jour dans la contemplation admirative de la beauté du moment présent, dans la pureté et le silence de ce paysage dormant ou le temps et l'espace se sont figés pour inviter le passant à cheminer vers son sanctuaire intérieur, ce continuum de la conscience ou il est possible de lever un à un les voiles de l'ignorance. Le monde tel que nous le voyons aujourd'hui ne serait que le reflet de nos croyances collectives" .
 "The world as we see it today seems to be an expression of our collective beliefs". JGdeB

dimanche 22 février 2015

L’accord Minsk 2.0 montre de facto que les deux grandes puissances européennes que sont l’Allemagne et la France cherchent à rompre avec le projet de semer le chaos des USA.
Extrait : "CES MESSIEURS D'EN HAUT/De l'usage des femmes par les hommes de pouvoir"

 .... "À cette époque je rêvais de plages au bout du monde. D’une maison victorienne en bois peint bleu délavé, aux persiennes à demi closes. Face à la mer, une véranda et des rocking- chairs. Aux étages, des rires et des chants, des bousculades et de la bonne humeur. Une maison de femmes. Chacune avec son univers propre. Les odeurs de peintures à l’huile ici, les échos d’un piano là-bas, de la terre glaise que l’on travaille sur un tour, des vocalises un peu plus loin, les confitures vanillées qui caramélisent, les légumes du jardin mouillés de rosée qui jonchent la grande table de bois, des fruits luisants, gorgés de soleil, de la dentelle et du crochet. Du lin blanc froissé, des ombrelles et des balancelles en osier. Elles sont cinq ou six femmes dans ce havre de paix. Des amies. Toutes avec un passé abandonné à la consigne et qu’elles ont réussi peu à peu à effacer. La maison ouverte à tous les vents ne laisse la voie libre qu’au colibri et au cardinal à la gorge écarlate, à l’affût de miettes à picorer. Les voiles légers des moustiquaires dans les embrasures, comme d’impalpables nuages de brume, prennent le vent pour un voyage sans retour, rythmés par le ressac d’un océan au loin. Pas de mâles dans ce petit royaume, sauf les amis, de vieux copains de passage, qui ne seront jamais ni amants, ni maris... L’amour bien sûr quand la nature l’impose. Les plages aux senteurs d’iode et de jasmin mêlées sont désertes. Le sable onctueux des grèves poudrées est accueillant sous les étoiles et les jeunes indigènes ont la peau odeur de musc, couleur d’ambre et les bras grands ouverts.
J’ai si souvent rêvé cette maison, sans fausses notes, mensonges, trahisons, faux-semblants, larmes et coups de gueule, vibrante d’harmonie. Tellement qu’elle en devenait réelle......." 


samedi 21 février 2015

"Un immense désespoir
Noir
M'atteint
Désormais, je ne pourrais
M'égayer au rose et frais
Matin.
Et je tombe dans un trou
Fou,
Pourquoi
Tout ce que j'ai fait d'efforts
Dans l'Idéal m'a mis hors
La Loi ?"


De ses promesses, il ne reste rien. Je pensais que «les déceptions viendraient cet automne", erreur à nouveau. La planète tourne toujours plus vite qu’on croit.

http://m.slate.fr/story/98241/capitulation-grecque-europe-dette
""Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !"


Extrait: "La Cité d'Airain" CDJ    (Livre audio voix de l'auteur.)
 ...."Arrivé dans la cathédrale, lieu de leur tout premier rendez-vous, il monta les interminables marches blanches jusqu’au parvis. A pas lents, il s’avança jusqu’au chœur. Et s’agenouilla. Les vitraux versaient sur lui leurs prismes aux couleurs pastel et l’enveloppaient d’un faisceau de tendre lumière. Il priait l’Invisible pour leur salut. Il priait pour lui. Alors il se rappela un texte qu’il avait parcouru il y a très longtemps :
Nanak voyageait dans d’immenses contrées lointaines en compagnie de ses deux amis. Ils arrivèrent bientôt dans un cimetière et s’arrêtèrent. Sur les tombes étaient gravés sur la pierre les âges des défunts. Pas un seul n’excédait l’âge de deux ans. Alors Nanak envoya un de ses compagnons demander alentour pourquoi les paysans ici mouraient si jeunes. L’homme alla et rencontra des gens très âgés qui lui donnèrent l’explication. L’âge inscrit sur les pierres tombales disait simplement le temps que ces personnes de leur vivant avaient consacré pour perpétrer le travail de Dieu sur Terre......"




http://www.audible.com/pd/Fiction/La-Cite-dAirain-Audiobook/B00NXR9HU6/ref=a_search_c4_1_1_srImg?qid=1411988345&sr=1-1

1https://itunes.apple.com/us/audiobook/la-cite-dairain.-in-silico/id923523270


"Je prendrai ma petite fille par la main et la ferai asseoir près de moi. Là, elle me regardera longuement et dans les yeux l'un de l'autre nous suivrons les lentes navigations vers les mers inconnues." A. Camus




vendredi 20 février 2015

Dénoncer la main-mise de la finance internationale sur l’économie française, contester le pouvoir des banques, ou encore défendre la cause des peuples opprimés par l’impérialisme sioniste ou étasunien vaut excommunication. Le vrai antisémitisme est très minoritaire en France comme le montrent les études d’opinion mais il pourrait bien se développer à la faveur de ces campagnes à répétition qui visent à criminaliser l’expression d’opinions ou d’analyse dissidentes et qui finiront à force de durcissements par ne laisser au citoyen que deux options : se soumettre ou devenir un délinquant d’opinion.

https://bourgoinblog.wordpress.com/2015/02/20/la-lutte-contre-le-racisme-et-lantisemitisme-arme-de-destruction-massive-des-libertes-publiques/

mercredi 18 février 2015

Extrait: CES MESSIEURS D'EN HAUT. Christine Deviers Joncour 2013

...."Ah, mais j’oubliais, c’est la faute à la dette !
Au café du coin, où l’on refait le monde, on exprime nos angoisses et Archibald prend la parole :
– Pour payer cette dette, ce monstre de papier, illégitime et abracadabrantesque, numérique et ubuesque, il nous faudra tout vendre. Jusqu’à nos dents on or et notre peau pour faire des abat-jour dans le bureau d’un maître du monde avec vue sur le Rockefeller Center. C’est pour quand la découpe de l’Europe façon abattoir? Le couteau du boucher, c’est la dette, un bout pour Bibi, un bout pour la Finance, un bout pour la mafia, un bout pour les bling-bling accros aux putes de luxe, un bout pour les ventrus de l’industrie militaire ! Et pourtant il suffirait d’un trait de plume, d’un clic sur le clavier pour l’effacer, cette dette, sans que personne ne souffre. Mais cette société serait-elle encore humaine ?
– Bonne question, répond un autre. Depuis longtemps on a laissé les loups entrer dans la bergerie. Ils étendent le chômage et les dettes et les rendent impossibles à rembourser.
Nous sommes devenus un immense peuple de moutons à tondre, tandis qu’un fameux agent d’influence suggère que les peuples doivent se contenter de regarder passer les milliards sans broncher comme on voit passer les cigognes sans s’interroger sur leurs nids bâtis avec nos plumes.
– Et pendant ce temps l’Irak râle dans ses convulsions, la Libye est la dernière tombe de la démocratie et l’Afganistan devient le cime- tière des empires ! En Occident, les dirigeants débattent. De quoi parlent-ils? Du bonheur des peuples? Des temps d’abondance et de partage ? Des traités de paix durable ? Non, ils parlent de fric !
– Justement ! Parlons des Grecs englués dans la misère pour des dizaines d’années, pour sauver les bénéfices des usuriers et des banksters qui les ont précipités dans ce chaos !
– Oui, les prédateurs de l’oligarchie libérale qui vont finir par tuer un peuple, toute une nation. Insupportable de voir presque toute la classe politique de ce pays martyrisé se coucher devant « la pieuvre libérale ».
– Nos dirigeants seraient-ils réduits qu’à n’être que d’infâmes valets du capitalisme mondialisé et la Grèce le laboratoire de l’asservissement du monde par la dictature financière ? La démocratie n’y existe plus, et tout dépend maintenant du pouvoir de résistance et de révolte du peuple grec.
– Dans l’indifférence quasi générale, les seigneurs de la finance assistent à cet assassinat, avant de s’attaquer au Portugal, à l’Espagne et bientôt au reste de l’Europe. La mise en esclavage des populations est passée à la vitesse supérieure et les grands argentiers de la planète nous font clairement comprendre que seuls comptent leurs profits et que la vie des citoyens n’a aucune espèce d’importance.
– Vous verrez que nous serons bientôt tous sacrifiés sur l’autel des profits. Ils ont déshumanisé la société, leur système de valeurs fait qu’aujourd’hui une entreprise vaut plus cher qu’un pays (Apple vaut plus que la Grèce!) et leur jugement s’est simplifié à une colonne débit et une colonne crédit ! Hallucinant...
– La Grèce : berceau de la démocratie ! Clisthène doit se retourner dans sa tombe!
– La civilisation qui domine le monde aujourd’hui est la prolongation de la civilisation sumérienne, trois mille ans avant Jésus- Christ, qui a inventé tout ce qui caractérise la civilisation occidentale : l’administration d’État, l’argent, le commerce, les taxes et les impôts, l’esclavage, les armées organisées, une expansion fondée sur des guerres perpétuelles et l’asservissement des autres peuples. Ce fut aussi la première civilisation à détruire son environnement. Rétro futur, welcome !
– Moi, je veux rester optimiste. Nous sommes à un tournant majeur, un changement de civilisation. Il est temps que les citoyens reprennent en main leurs pays, leurs démocraties, éliminent cette vermine financière en prenant le contrôle des banques, du FMI et des Bourses afin de réinjecter les incroyables fortunes, détournées par une poignée de mafiosi, dans les caisses des États pour le bien collectif. Il faut bien prendre conscience que, quels que soient votre bord politique ou votre conception de la vie, si vous ne faites pas partie de leur élite, vous serez broyés. Aussi, il est temps que les citoyens s’unissent, comme en Grèce, laissant de côté leurs différences que les dirigeants actuels n’ont cessé d’amplifier afin de diviser pour mieux régner.
C’est Archibald, notre poète, qui conclura dans une envolée lyrique dont il a le secret :
– Mais le chant général des poitrines opprimées se fait entendre. Il n’est plus général, ce chant ; il est mondial ! Il est encore cacophonie, il va devenir symphonie. Il y a toujours le vol sourd des corbeaux sur les plaines. Il y a surtout ces pays, tous ces pays qu’on enchaîne. Il y a encore la nuit poisseuse. Nous avons nos reconduits à la frontière, nos Roms, les Restos du Cœur, les SDF, le Samu qui n’a absolument rien de social. Des hordes de chômeurs, d’exclus, d’immigrés stigmatisés. Voilà qui nous sommes et ce que nous faisons. « Plus jamais ça », on criait ! On est à un doigt et demi de faire pire. Mais il y a ces voix qui se lèvent... Là, il me revient en mémoire cette phrase de Brecht : « Lorsqu’un homme assiste sans broncher à une injustice, les étoiles déraillent »... Alors, vite, protégeons les étoiles et tournons la page sur ces temps décomposés...."
Qu’importe le plongeon puisque nous surnageons à chaque fois, insouciants, à en faire pâlir de vertige le ciel.



L'aspect du monde aux yeux des femmes: "Doit être une région de déraisonnable sublimité toute frémissante des émotions de leurs âmes aventureuses, éclairées par la gloire de tous les risques et de toutes le renonciations possibles." J. Conrad

« Pendant qu'ils sont tous occupés à leur plan d'avenir, à leurs bruyantes gesticulations sur la scène, je me tiens à l'écart sur mes hauteurs, tout seul, battant du vieux tambour de chaman »

Kenneth White, "Les limbes incandescents"



...."Une vaste étendue flottante claire et huileuse à perte de vue miroitait un rouge soleil couchant dans un ciel mouillé.  Plus aucune démarcation quand tout se confondait ciel et mer en immense patchwork de couleurs de bleu outremer, d’orange cramoisi, d’ocre et de violet. 
Il pensa qu’il était tombé sur la planète de l’amour ou la reine des cieux se contemple dans un miroir céleste. Soudain quelque chose attira son attention : A ses pieds,  il nota des masses  informes et cendrées comme des feuilles de papier froissé et jetées là. Il fit quelques pas en les écrasant et réalisa que le fond de l’eau en était tapissé à perte de vue. Alors il se pencha et interloqué, remarqua dans la transparence de l’eau, que  sur chaque feuille chiffonnée il y avait des traces noires.  
On pouvait y déchiffrer des phrases. Des lettres égarées, des kilomètres carrés de correspondance ballotée au fil des remous. Des lettres d’amour et des poèmes enflammés à tout jamais perdus pour leurs destinataires, papiers mâchés, détrempés qui racontaient encore toute la magie de la vie, des pages et des pages à l’encre délavée de messages d’amour que l’on avait cru éternels.  
Le temps, cette image mobile de l’immobile éternité. »   
Extrait: LA CITÉ D'AIRAIN  Christine Deviers Joncour

mardi 17 février 2015

Au milieu des vicissitudes, des infamies, des horreurs de ce monde, j’ai bâti une bulle pour m’évader un peu. Dans cette immensité qui m’entoure chaque chose infiniment petite m’apparaît dérisoire. Notre planète bleue ce joyau méprisé pourrait être un paradis….
Il nous reste les rêves qui peuvent ainsi adoucir un instant les tourments et les blessures.

« Lui qui aurait voulu pouvoir offrir le ciel.
 Si je pouvais t'offrir le bleu secret du ciel, 

Brodé de lumière d'or et de reflets d'argent,

Le mystérieux secret, le secret éternel,

De la vie et du jour, de la nuit et du temps,

Avec tout mon amour je le mettrais à tes pieds.

Mais moi qui suis pauvre et n'ai que mes rêves,

Sous tes pas je les ai déroulés.

Marche doucement car tu marches sur mes rêves. »
  William Butler YEATS


dimanche 15 février 2015

Mon dernier roman "LA CITÉ D'AIRAIN" en audio book voix de l'auteure. Extrait.

http://www.audible.com/pd/Fiction/La-Cite-dAirain-Audiobook/B00NXR9HU6/ref=a_search_c4_1_1_srImg?qid=1411988345&sr=1-1

https://itunes.apple.com/us/audiobook/la-cite-dairain.-in-silico/id923523270

... "Vous savez qui je suis, vous connaissez des détails de ma vie et je ne sais rien de vous. Vous connaissez mes souffrances là-bas, je ne vous ai rien caché. A votre tour  maintenant  de me faire confiance. Je vous écoute.
Wendel se rembrunit et s’éloigna de quelques pas.  Sur une racine  de l’arbre il s’assit et lui fit signe de venir prendre place près de lui. Puis répondit :
  - Nous sommes très éloignés l’un de l’autre. Géographiquement s’entend, car je vis sur un autre continent. Je suis un globe trotter et j’ai fait plusieurs fois le tour de la Terre.
  -  Pour votre travail ?
  - Entre autre oui.
  - Et que faites-vous?
  - Je suis dans la finance.
Elem éclata de rire :
  - Un banquier, il ne manquait plus que ça ! Un banquier poète. Contre-sens…
  - On peut manipuler les chiffres et faire des vers, rien d’incompatible, ma chère.
  - Et bien, je ne peux pas dire que ces gens-là m’inspirent beaucoup de respect. Ils participent depuis des décennies au pillage des états et à la misère du monde.  Je ne sais plus qui disait : Les banques je les ferme, les banquiers je les enferme !
  - Désolé de vous décevoir, Elem.  Néanmoins vous avez raison, ils téléguident définitivement le pouvoir des pantins politiques qui leurs sont assujettis par les intérêts financiers qu’ils attendent. Voilà, je fais des affaires avec l’argent des autres. Ai-je satisfait votre curiosité ? Mais pour en revenir à vous,  j’ai eu l’heureuse surprise de constater que vous étiez à nouveau joignable. Y aurait-il moins de pression à votre encontre ? Et comment tenez-vous le coup dans vos nouvelles responsabilités ?
  Il échappait et la jeune femme ressentit un malaise. Le vouvoiement était significatif. Il n’en dirait pas davantage et il était inutile de pousser plus loin les questions. Puis il soupira en lui prenant la main qu’il porta à ses lèvres.
  - Vous avez sur moi un pouvoir extraordinaire et je ne puis  m’empêcher sans cesse de penser à vous. Votre beauté en premier lieu mais aussi votre force de caractère, votre courage dans une situation dramatique, cette volonté de vous battre pour les autres, cette envie de dénoncer les dérives et de changer le monde. Tout ceci me trouble beaucoup car voilà des sujets que je me suis toujours défendu jusqu’à présent de prendre en compte. Mais je vous remercie de m’interpeler et de m’ouvrir les yeux.
   - Moi qui vous croyais un homme éclairé, altruiste, poète et humaniste... ou tout simplement humain. Tous vos livres ne vous auraient-ils donc pas apporté matière à réflexion ?
  -  Rien n’est plus vide qu’une âme encombrée  et j’avais des objectifs qui ne me permettaient pas de m’éparpiller.
  - Ah oui pardon, j’allais oublier : L’argent ! 
  - Ne soyez pas aussi négative et bornée,  car  vous savez bien que c’est la seule puissance qui ne se discute pas. Tout passe par là depuis la nuit des temps.
  - Ah oui, insista Elem. Et c’est en puisant chez les pauvres que vous faites fortune, le savez-vous ?  Sur le dos de ceux qui se tuent au travail, malheureux esclaves des ces ogres.
  - Il faut prendre l’argent là où il se trouve, Elem !  Chez le pauvre il n’y en a pas en quantité mais il y a une quantité de pauvres !
  - Vous plaisantez là, j’espère ?
- En ai-je l’air ? Mais j’aimerais ici mettre une parenthèse ma belle amie ! Ne croyez-vous pas qu’il est très dommageable que nous abordions ce genre de questions ?
  - Je ne vois pas pourquoi…Mais dites-moi, à quoi employez-vous votre trésor de guerre ? A améliorer les conditions de vie de la race humaine, à générer le bonheur ou à fomenter les guerres et accroître la pollution, la famine, les épidémies, le servage et à garnir l’escarcelle des puissants ?
  - Plus jeune, voyez-vous, je me suis penché sur la dichotomie entre l’Homme et la Nature et je m’imaginais menant un combat pour l’Homme contre son environnement non humain. Mais  aujourd’hui je suis convaincu de l’évolution, d’une complexité de l’organisation qui ne cesse de croître, présente dans les origines mêmes, et qui a balayé mon ancienne conception d’un devoir vis à vis de l’homme. L’homme en soi n’est rien, le mouvement de la vie va vers l’avant. La spiritualité doit être privilégiée et non la race humaine. Ma chère, cessons de polluer cette terre aux chimères, notre « dreamland », avec des discours stériles. Ici, nous ne devrions laisser place qu’à nos  rêves et laisser à la porte les scories. Venez enfin dans mes bras et ne pensez plus à rien qu’à nous deux.
 « Discours stériles… »… Elem remâchait ces deux mots et n’avait guère le cœur  à la bagatelle, pourtant elle se laissa approcher et s’accorda quelques minutes de douceur tandis qu’il forçait ses lèvres et découvrait son corps  du bout de ses doigts.

   « Où cela va-t-il nous mener, Wendel ? », insista-t-elle.